jeudi 20 octobre 2022

Retour sur les combats de Tu Lê (1) : Rappels documentaires


          Depuis plusieurs années je souhaitais découvrir les lieux du combat que le 6° Bataillon de Parachutistes Coloniaux du chef de bataillon Bigeard livra sur Tu Lê ainsi que le parcours suivi par le bataillon lors de son repli vers la Rivière Noire entre le 16 et le 23 octobre 1952...

Outre le récit de cette épopée fait par le général Bigeard lui même  dans son livre "Pour une parcelle de gloire", ces combats qui furent l'acte fondateur du bataillon Bigeard ont été racontés par différents auteurs parmi lesquels je citerai seulement Alain Gandy et Erwan Bergot.





Lors de la préparation de ce raid à pied que j'ai effectué en compagnie de mon camarade de promotion de Saint-Cyr Jean Bailllaud en mars - avril 2019, j'ai bien entendu consulté toute la documentation disponible sur la question. Parmi les documents que j'ai pu découvrir, il en est un en particulier qui s'est révélé remarquablement intéressant, à savoir le compte rendu d'opération rédigé à l'issue des combats par le lieutenant-colonel de Bollardière, commandant à l'époque les troupes aéroportées en Indochine. Le lieutenant-colonel de Bollardière est celui-là même qui quelques années plus tard devait attirer l'attention de la population française sur son opposition à  la torture en Algérie... Avant qu'il ne bascule un jour dans l'objection de conscience, le lieutenant-colonel de Bollardière a rédigé un document qui mérite amplement la lecture car à la différence des récits parfois un brin romancés de Gandy ou Bergot, il s'agit là d'un document d'état-major synthétique et concis.

Afin de replacer dans leur contexte historique les photos du parcours que nous avons suivi à notre tour sac au dos, soixante sept ans après les événements, je vous livre ci-après ce document scanné que j'ai enregistré en format extra-large afin d'en faciliter la lecture...



















Une fois achevé ce rappel historique des événements, voyons à présent en images dans quel cadre se sont déroulés ces combats...

(A suivre...)

Retour sur les combats de Tu Lê (2) : Le cadre de l'action


          Avant de publier les photos de notre parcours, il m'a semblé intéressant de mettre à la disposition des lecteurs, d'une part un certain nombre d'informations pratiques, d'autre part les principales photos ou croquis que j'ai pu examiner lors de notre préparation.

Tu Lê qui était autrefois un simple carrefour de pistes, est aujourd'hui une petite bourgade rurale située à environ 180 km de Hanoï sur un axe très touristique que l'on appelle "La route des photographes", la QL 32. En poursuivant à travers la "Haute région" de l'ex Tonkin cette route vers le Nord-Ouest, on longe le massif montagneux servant de séparation entre le bassin de la Rivière Noire au sud et le bassin du Fleuve Rouge au Nord. En suivant cette QL 32 on peut ainsi atteindre Sapa, ancienne station d'altitude dominée par le Fansipan qui avec 3143 mètres d'altitude est le plus haut sommet du Vietnam, puis Lao Cai à la frontière chinoise. J'avais prévu d'effectuer en 2020 ce parcours de randonnée magnifique d'environ 200 km au départ de Tu Lê puis d'effectuer l'ascencion du Fansipan (guide local imposé par les Vietnamiens pour cette phase) mais la pandémie du COVID 19 en a décidé autrement... Ce n'est donc, je l'espère, que partie remise...

A noter toutefois que ceux qui souhaitent comme nous suivre intégralement le parcours de la colonne Bigeard, abandonneront cette "route des photographes" en descendant du col de Khau Pha et poursuivront en direction du Sud vers Muong Chien par des petits chemins ou des pistes montagneuses, la population étant généralement soit Thaï dans les vallées, soit H'mong sur les hauteurs.
C'est en fait entre Tu Lê et Muong Chien que le parcours est le plus intéressant pour les amateurs de randonnée car à partir de Muong Chien, comme on est obligé de suivre une petite route, certes peu fréquentée mais goudronnée, qui longe sur environ 40 km la vallée de la Nam Chan, le périple devient moins agréable... même s'il y a de beaux panoramas au niveau du col de Itong, véritable mur qui marque le basculement vers une zone d'altitude plus basse.
Si la température est bien tempérée jusqu'au col de Itong, on risque ensuite de souffrir de la chaleur au fur et à mesure qu'on descend... puisqu'on descend progressivement d'environ 1000 mètres.
Afin de parer à tout problème en cas de difficulté d'hébergement sur notre parcours, nous avions prévu un hamac léger car on peut toujours s'abriter sous un auvent quelque part en cas de besoin.
A noter qu'on trouve un peu partout le long de la route des petites échoppes  permettant de se rafraîchir et de s'alimenter, ce qui fait qu'il suffit juste d'emporter un "en cas" de sécurité.


Pour rejoindre Tu Lê au départ de Hanoï, on peut prendre un des bus qui partent de la gare My Dinh (30 mn de taxi depuis le quartier des 36 guildes) en direction de Nghia Lô et Muong Can Chai vers 8 h, de façon à être sur zone entre 14 et 15 heures (prix approximatif 150.000 VND soit environ 6 euros courant 2019).




Une fois arrivé à destination, il existe sur Tu Lê plusieurs guest houses pour se faire héberger, de l'avis général la meilleure au point de vue propreté et rapport qualité - prix étant l'hôtel Pho Nui où nous sommes descendus. Pour la restauration, il existe de nombreux endroits sur Tu Lê et sur le reste du parcours jusqu'à Muong Can Chai.

Pour la suite du raid pédestre on peut se loger sans souci sur Muong Cang Chai (cf. Ecolodge) puis sur Ngoc Chien (ancien poste de l'adjudant Peyrol) mais après ces deux bourgades, le long de la vallée de la Nam Chang nous n'avons vu apres les sources chaudes aucune guest house jusqu'à la ville de Ban Na Tong. Ce secteur très rural n'est pas fréquenté par les touristes et au point de vue hébergement il existe donc une "zone morte" d'environ 40 km... sauf bien entendu à se loger chez l'habitant, ce qui nous a été proposé en descendant du col d'Itong. Pour des raisons de délai de route, car nous souhaitions faire une extension jusqu'à Nasan, nous avons poursuivi notre parcours pour aller loger à Ban Na Tong sur les bords de la Rivière Noire. Ceux qui souhaiteraient abréger leur parcours pourront toujours emprunter l'un des bus locaux qui relient les deux bourgades...sous réserve de ne pas le louper au départ ou lors de son passage sur la route...

Pour ceux qui souhaiteraient faire un périple identique au notre, la meilleure des choses à faire pour découvrir Tu Lê est de poser dès l'arrivée en milieu d'après midi les sacs à la guest house puis de commencer immédiatement la découverte de la cuvette et du site de l'ancien poste. Si on ne souhaite pas monter sur les positions environnant l'ancien poste, on a largement le temps de faire le tour du lieu avant la nuit tombée.


Pour localiser Tu Lê dans le contexte des combats de 1952, voici une carte générale de la zone d'opération tirée du livre du général Bigeard :




Les férus d'histoire de l'Indochine se souviendront bien entendu que certains éléments de la "colonne Alessandri" étaient déjà passés sur cet itinéraire Ngia Lô - Tu Lê - Sonla (II° bataillon du 5° REI) après le coup de force du 9 mars 45, soit sept ans auparavant, rejoignant ainsi le "Groupement centre" en franchissant eux aussi la Rivière Noire à Tabu, lors de leur repli devant les Japonais.

Le poste de Tu Lê, comme de nombreux autres, avait été bâti pendant l'époque coloniale à la confluence de trois vallées qu'il pouvait ainsi contrôler, car c'était un passage obligé sur les pistes de l'époque. Autour du poste s'étaient agrégées bien évidemment les familles des soldats autochtones.

L'emplacement de l'ancien poste de Tu Lê aujourd'hui

Sur la photo ci-dessus, on observe :
- au premier plan, une plaine rizicole qui autrefois accueillait une piste d'aviation permettant le poser des avions léger Morane ;
- immédiatement au dessus du village, l'emplacement du poste au sommet de la butte marron (antenne) ;
- à gauche de la photo, les contreforts  de  la côte 876 ;
- à droite de la photo, la côte 830 dominée derrière par le sommet 946.

Retrouver nos anciens postes d'époque, ou tout au moins leur emplacement, est assez aisé car les Vietnamiens y ont souvent implanté des antennes relais... Dès lors il suffit de chercher une hauteur contrôlant un point clé élevé du terrain à une distance d'environ 200 à 300 mètres de l'axe principal car telle était la portée pratique des armes des soldats...

Par comparaison, voici l'aspect du poste de Tu Lê avant l'attaque d'octobre 1952 :

Le poste de Tu Lê autrefois

Le poste de Tu Lê était occupé en 1952 par une compagnie du 1er bataillon Thai, commandée à l'époque par le Lt Lavrat, le PC du bataillon étant implanté à Ngia Lo.

Comme on peut le constater sur les vues ci-dessous, il n'y avait que fort peu de constructions en dur sur le poste lui même ce qui explique qu'on ne retrouve aujourd'hui pratiquement aucun vestige  de bâtiment sur le site. La finalité de ce type de poste n'était pas le combat mais le contrôle de zone et le renseignement, d'où la faiblesse du dispositif défensif, donnée que signale Bigeard dans ses écrits. Par ailleurs, là encore, comme sur la RC 4, outre la nécessité de disposer d'une alimentation en eau, la portée réduite de l'armement faisaient qu'il fallait s'implanter à "portée de fusil" du point à contrôler même si cette implantation était dominée par des mouvements de terrain avoisinants. On notera toutefois le soin porté par les soldats de l'époque au dégagement des secteurs de tirs grâce à un déboisement massif des pentes :

 



En dépit de la présence d'une piste d'aviation, les avions de ravitaillement d'un gabarit supérieur au Morane, comme les Junkers ou les C 47 Dakota étaient obligés de larguer leur ravitaillement ainsi qu'on le voit sur les photos ci-dessous :




(A suivre.... )



Retour sur les combats de Tu Lê (3) : Le poste et les préparatifs




     Ainsi qu'on peut le lire sur une fiche Wikipedia, les combats de Tu Lê sont une suite d'affrontements qui eurent lieu durant la guerre d'Indochine du 16 au 23 octobre 1952 dans la région du Haut Tonkin, combats durant lesquels le 6° Bataillon de parachutistes coloniaux du commandant Bigeard s'est opposé aux divisions 308 et 312 du général Giap, dont l'offensive sur Nghia Lo avait été révélée par des informateurs au colonel Ducourneau, patron du Groupement aéroporté n° 2
L'ensemble des combats s'est terminé par un repli du 6° BPC et des soldats rapatriés des deux postes pris par le Vietminh, le commandant Bigeard réussissant à ramener jusqu'à la Rivière noire une grande partie de ses hommes.


L'objectif initial de Giap était de franchir la Haute Région pour déboucher à terme sur le Mékong et le Laos, régions peu affectées par la guérilla et relativement calmes, dans le but de mettre en difficulté le corps expéditionnaire français en Extrême Orient. Celui-ci n'avait en effet pas les effectifs nécessaires pour combattre sur l'ensemble du territoire de l' Indochine française, alors même que la France garantissait par traité la sécurité du Laos...
Durant la saison des pluies de 1952, Giap après avoir renforcé ses troupes, disposait de plusieurs divisions, dont deux au moins aptes à conduire une grande offensive. La grande inconnue etait de determiner la direction dans laquelle elle allaient progresser...

Le Groupement Aéroporté no2 du colonel Ducourneau renseigné sur des mouvements de troupes Viêt-minh, fit part de ses observations au général  Salan, qui décida d'envoyer le "bataillon Bigeard" renforcer les petits postes occupés dans les montagnes par des troupes autochtones et surtout confirmer l'axe de progression des unités vietminh...

Entre le moment où fut prise la décision de larguer un bataillon parachutiste en vue de déterminer si les divisions ennemies faisaient effort vers le Laos ou vers le Sud et son largage effectif, le commandement reçut suffisamment d'informations pour lui permettre d'annuler cette opération aéroportée. La chute les uns après les autres d'une série de postes tenus par des partisans et balayés par les unités ennemies permettait en effet de déterminer sans ambiguité le volume et l''axe de progression de celles-ci. Mais quand le général Salan prit la décision de sursoir à l'opération il était toutefois trop tard car le général de  Linarès avait déjà fait procéder au largage du 6° BPC dont la mission de renseignement devenait de fait inutile...

Ce point, souvent passé sous silence, est pourtant important à conserver en mémoire car l'affaire de Tu Lê a donc débuté en quelque sorte par un "loupé" de l'état major... Le problème est qu'ensuite ce "loupé" a mis gravement en danger un bataillon nouvellement arrivé sur le territoire, au point que certains avaient commencé à le rayer des effectifs au vu de la situation générale... Sauvé par l'énergie et les compétences opérationnelles de son commandant de bataillon ainsi que par le niveau physique de ses soldats, l'unité a réussi à sortir pratiquement seule de la nasse, même si c'est au prix de la perte de plus de 90 de ses hommes... donnée qui elle aussi est souvent passée sous silence. Dans ces conditions, on peut légitimement se demander, sans porter atteinte à la mémoire de nos Anciens,  si le volume jamais vu auparavant de récompenses attribuées au bataillon n'est pas dû aussi au souci du Commandement de faire oublier son erreur initiale...

Au soir du 16 octobre, jour du parachutage, le rapport de force officiel est donc de 665 parachutistes du 6° BPC contre environ 10.000 Bo Doi des divisions 308 et 312...



Le briefing de préparation de l'OAP au séminaire de Hanoï

Sur cette photo prise dans la nuit du 15 au 16 octobre 1952, on reconnait de la gauche vers la droite :
- le médecin-lieutenant Rivier, médecin chef du 6° BPC ;
- le capitaine Touret, adjoint au commandant de bataillon ;
- le chef de bataillon Bigeard ;
- le lieutenant Bourgeois (debout derrière Bigeard) de la CCB, qui sera tué à Dien Bien Phû ;
- le lieutenant de Wilde commandant la 26° CIP ;
- le lieutenant Porcher de la CCB ;
- le lieutenant Magnillat commandant la 6° compagnie ;
- le lieutenant Le Roy commandant la 11° compagnie ;
- le lieutenant Trapp commandant la 12° compagnie ;
- le lieutenant Elise, officier transmissions du 6° BPC.

16 octobre 1952 :
Le 16 octobre 1952 six cent soixante-cinq parachutistes du 6° BPC sont largués en deux rotations à 40 km au Nord-ouest de Nghia Lo, sur le village de Tu Lê.
Dès le regroupement au sol achevé, Bigeard décide d'installer le bataillon en plusieurs points d'appui de compagnie capables de s'appuyer les uns les autres :
- La 26e compagnie du lieutenant de Wilde (Indicatif "Francis") est placée en réserve aux côtés du PC de Bigeard implanté dans le poste (au dessus du lieu dit Ban Com) ;
- La 11e compagnie du capitaine Leroy (Indicatif Indicatif  "Polo") investit la cote 840 ;
- La 12e compagnie, dirigée par le lieutenant Trapp (Indicatif "hervé"), se charge de la cote 876 ;
- La 6e compagnie du lieutenant Magnillat (Indicatif "Bernard") s’installe de l'autre côté de la rivière Muong Leum, au sud. 

Coupure de carte au 1/50 000 de la cuvette de Tu Lê

Croquis d'implantation illustrant le rapport du Lcl de Bollardière

Vue générale de la position tenue par le 6° BPC : au fond à gauche de la photo la côte 876 et son éperon tenu par la 12°compagnie, à droite la côte 840 tenue par la 11° cie dominée derrière par le sommet 946 et juste au dessus des maisons du hameau de Ban Com, le poste où s'étaient installées la 26° CIP et la CCB :




La côte 876 et son éperon


Dès leur arrivée, les soldats aménagent sommairement leurs postes en creusant des abris jusqu'au petit matin du 17 octobre :







L'emplacement où les hommes du 6° BPC ont aménagé une tranchée en utilisant une faille naturelle  dans le rocher est encore nettement visible aujourd'hui :




Le poste lui même étant construit avec des matériaux "légers", il n'en reste pratiquement aucun vestige si ce ne sont quelques débris de briques éparses, ce qui nous a relativement déçus... Il est probable en outre qu'après le départ des Français une grande partie du matériel et des matériaux a dû être récupérée par la population. En cherchant, peut être serait il possible de retrouver des restes de barbelés encore utilisés pour limiter les divagations du bétail :






17 octobre :
Le 17 octobre un Morane se pose sur une vieille piste en bordure de rizière et emporte les blessés du saut de la veille à Hanoî :






L'installation des postes continue, des Dakotas larguent des ribards ainsi que des munitions, pendant que les soldats creusent des tranchées et posent des mines autour de leurs positions. Pendant la nuit du 17 au 18, le poste de Nghia Lo, qui est situé au sud-est de Gia Hoï, est attaqué.


Le CBA Bigeard au premier plan observe le largage


Pendant les travaux défensifs, la couverture éloignée du 6° BPC est renforcée par les effectifs autochtones du poste et des coolies sont rassemblés parmi les habitants pour fournir une main d'oeuvre complémentaire.
Le contact radio est pris avec Gia Hoi et Nghia Lo et une patrouille de supplétifs est envoyée à Gia Hoi.
La 11° compagnie s'installe à l'est de la riviere Nam Pang.

(A suivre... )



Retour sur les combats de Tu Lê (4) : Coup d'arrêt au Vietminh et repli sur le Khau Pha


18 octobre : 
Durant la nuit du 17 au 18 octobre, les bruits du combat qui se déroule une quarantaine de kms plus à l'Est sur Nghia Lo parviennent jusqu'au poste... Nghia Lo tombe au lever du jour.
Au matin du 18, la 11° compagnie effectue une reconnaissance vers l'Est en direction de Ban Lan Lang.
Les partisans placés sur la piste de Gia Hoi ayant décelé des infiltrations vietminh au Sud-est de la côte 923, rentrent sur Tu Lê.
A 17 h 30 le poste de Gia Hoi situé à une vingtaine de Km à l'est de Tu Lê, à mi distance entre Tu Lê et Nghia Lo, signale des rebelles sur les cotes 982 et 952 au Sud et à l'Est de Gia Hoi.
A 18 h le quartier de Gia Hoi est mis aux ordres du CBA Bigeard.
A 21 h l'ordre d'évacuation donné par les F. T. V. N.  est retransmis à Gia Hoi.
L'état-major donne également l'ordre d'évacuer Tu Lê mais compte tenu des difficultés représentées par la mise en oeuvre d'une telle opération de nuit, le CBA Bigeard refuse, préfèrant attendre l'arrivée des éléments qui se replient depuis Gia Hoi et Lang Chang.
A 22 h le contact est pris entre l'ennemi et les éléments de Ping Gai qui se replient vers Tu Lê.
A 23 h des éléments venant de Gia Hoi arrivent sur Tu Lê.






Schéma des combats du 19 au 20 octobre 1952


19 octobre 1952 :
A 7 h la 6° CIP du Lt Magnillat ("Bernard") est envoyée en direction de Gia Hoi pour recueillir les éléments qui se replient.
A 10 h le contact est pris par la 6° CIP avec l'ennemi au niveau du col situé à  l'Est de la côte 923.
Deux compagnies vietminh qui  progressaient en direction de Tu Lê tombent dans l'embuscade du lieutenant Magnillat et se replient en ayant subi de lourdes pertes. Rapidement appuyées par deux bataillons, l'ennemi entame un débordement par les crêtes nord.
A partir de 15 h la 6° CIP entame son repli vers Tu Lê en gardant le contact avec l'ennmi.
L'embuscade tendue le 19 octobre par la 6°cie du Lt Magnillat aux avant- gardes ennemies a eu lieu au niveau du col situé en fond de tableau :

Vue des abords Est du poste de Tu Lê en direction de Nghia Lo


A partir de 17 h, l'ennemi commence l'attaque du poste de Tu Lê en dépit des tirs de mortiers de 81 mm du bataillon :




La ligne de crête nord par laquelle l'ennemi a vainement tenté de déborder :



Bigeard décide alors d'installer la 6e compagnie du Lt Magnillat qui s'est repliée sur Tu Lê, au col situé à deux kilomètres au sud-ouest, col qui marque la sortie de la cuvette de Tu Lê, afin d'assurer un itinéraire de repli au bataillon, car ce point constitue la porte de sortie obligée de la cuvette en direction du massif du Khau Pha et de la Rivière Noire :

Vue des abords Ouest du poste en direction du col situé au Sud ouest


Le col de sortie de la cuvette de Tu Lê

20 octobre 1952 : 
A 2 heures du matin puis à 5 h du matin, le Vietminh attaque à deux reprises le poste mais l'ennemi est piégé dans les barbelés et se heurte ensuite en tentant un débordement par le Nord, à la 12° compagnie implantée sur le piton de la côte 876 et non encore décelée.
Au lever du jour, 96 corps de Viets sont trouvés emmêlés dans les barbelés...













Après son échec l'ennemi se replie en direction de Gia Hoi pour se réorganiser, en dépit des tirs de harcèlement effectué par les armes lourdes du bataillon puis les frappes aériennes des B 26.


Douglas B-26

Après avoir vainement attendu pendant une demi-journée une amélioration de la météo pour évacuer par Morane sanitaire, les six blessés des combats, le CBA Bigeard entame en début d'après midi du 20 octobre vers 13 h, le repli du bataillon vers le sud ouest par le col de Kao Pha en abandonnant sur place l'armement lourd afin d'accélérer la marche. 
Pendant sa rupture de contact et jusqu'à 17 h le bataillon peut profiter de la couverture de 2 B 26.







Le col de sortie de la cuvette de Tu Lê vu depuis la plaine au pied du Khau Pha

C'est pendant le franchissement de cette plaine couverte de rizières, d'environ cinq kilomètres de profondeur, qu'ont eu lieu en fait les combats les plus meurtriers de l'opération. Alors que le 6° BPC n'avait perdu que deux hommes lors des attaques des journées et nuit précédentes, les compagnies Magnillat (6° CIP) et Leroy (11° CIP) qui assuraient l'arrière garde du bataillon ont été violemment prises à partie après le décrochage du col. Les unités vietminh ayant réussi à déborder le col par les lignes de crêtes avoisinantes ont en effet tenté dans une course de vitesse de couper le bataillon en deux afin d'empêcher les deux dernières unités d'atteindre les contreforts du massifs du Khau Pha. En quelques heures le bataillon perd donc près de 90 hommes, dont deux officiers, tués, blessés ou capturés, y compris l'aumonier, le père Jeandel qui ayant demandé à rester auprès des blessés sera épargné mais rejoindra le camp n° 1 pour y être interné jusqu'en 1954.
Le père Jeandel dans son livre raconte que les blessés de Tu Lê ont été laissés sans soin et sans assistance, les corps des morts et des agonisants étant abandonnés aux animaux...

Il est probable que si le décrochage s'était opéré en tout début de matinée ces pertes auraient donc pu être évitées, l'ennemi n'ayant pas achevé son débordement de la cuvette... Au résultat, force est de constater qu'en voulant sauver une dizaine d'hommes blessés lors de l'attaque contre le poste, le CBA Bigeard en a perdu beaucoup plus... Ce fait n'est jamais abordé dans les récits de la "saga" de Tu Lê... mais l'histoire ne peut être refaite et la guerre n'est pas une science exacte...

Le massif du Khau Pha

Le massif du Khau Pha


Vue au loin sur le col de sortie de la cuvette de Tu Lê
et sur la plaine où ont lieu les combats les plus meurtriers.


Notre montée vers le col au milieu des villages H'Mong


 Vue sur le col de sortie de la cuvette de Tu Lê depuis le sommet du  Khau Pha


 Le monument commémoratif à la gloire des soldats vietnamiens au sommet du col  du Khau Pha

Détail du monument montrant la capture des soldats français

Avec la nuit, le contact avec l'ennemi est perdu aux abords du col de Khau Pha, tenu depuis trois jours par un élément précurseur du 6° BPC mis en place pour en assurer la libre disposition, ce qui permet le regroupement du bataillon vers minuit...


NB :
A l'attention de ceux qui souhaiteraient effectuer à leur tour ce parcours, je précise qu'il existe globalement trois itinéraires pour gagner le col  :
1) suivre la route goudronnée qui  longe les contreforts du relief et s'élève progressivement en passant au niveau d'un restaurant... ce qui permet de faire une pause repas méridienne ;
2)  suivre une piste centrale qui aboutit à  une zone d'envol de parapentistes ;
3)  suivre  une piste plus à l'ouest qui aboutit à proximité du monument érigé à la gloire des soldats vietminhs.



En ce qui nous concerne nous avons suivi l'itinéraire le plus à l'ouest ce qui nous a permis après le franchissement de la plaine rizicole (habitat thai) de progresser à travers les rizières en terrasse et  les petits hameaux H'Mong installés sur les pentes du Khau Pha. 
Point important, il  faut veiller immédiatement après le franchisssement du col de sortie de la cuvette de Tu Lê à abandonner la route goudronnée pour descendre par des petites pistes vers la plaine, faute de quoi on s'engage trop alors sur la route. Ayant négligé ce point et poursuivi trop longtemps sur la QL 32 afin de mieux observer notre futur parcours à flanc de montagne depuis un petit restaurant local, nous avons du ensuite rebrousser chemin et emprunter une piste glissante et boueuse pour gagner la plaine...
Le dénivellé entre le village de Tu Lê et le col du Khau Pha avoisine environ 1200 m mais le parcours peut s'effectuer sans souci en une matinée.

(A suivre...)